Retrouvez ci-dessous le discours que j’ai prononcé à la tribune de l’Assemblée Nationale le 16 novembre 2022.
Madame la Présidente, Mesdames et messieurs les ministres, Collègues,
La crise énergétique est partout et vous demandez aux Français de payer l’addition. 1 français sur 2 a déjà dû renoncer à se chauffer alors qu’il avait froid. Sous les coups de l’inflation, les salaires réels ont reculé de 7% depuis le début de l’année. Mais vous prévoyez un matraquage tarifaire de +15% de hausse des prix en janvier prochain pour le gaz et l’électricité. Des entreprises sont à l’arrêt, des milliers emplois menacés par l’explosion des prix de l’énergie comme chez Duralex. Des universités, des collèges, ferment une partie de leurs locaux. Les factures du gaz sont multipliées par 5 pour le collège de Trignac dans ma circonscription. Et un système de production électrique qui ne garantit plus l’absence de coupures cet hiver !
Voilà le terrible bilan de la politique énergétique du macronisme depuis 2017. Et vous en êtes réduits à devoir demander aux citoyens de baisser leur chauffage et de porter doudounes et cols roulés. Les factures, c’est Macron !
Les coupures, c’est Macron ! Le chaos c’est Macron !
Nous débattons de la politique énergétique du pays. Enfin ! Mais ne soyons pas dupes, ce débat est hypocrite.
Vous auriez pu décider d’engager le débat sur la stratégie énergétique avec le pays tout entier, de convoquer un référendum pour faire arbitrer les Français sur différents scenarios dont un visant 100% d’énergies renouvelables comme nous le défendons. Mais vous faites le choix des Conseil de défense et d’un débat sans vote aujourd’hui.
Vous auriez pu engager la sortie du marché de l’énergie, mais vous préférez protéger les superprofits et les conflits d’intérêts avec les groupes privés jusqu’au sein de votre gouvernement !
Vous pourriez tendre la main à la NUPES sur un sujet comme celui des renouvelables dont nous sommes les plus grands partisans dans cette assemblée, mais vous préférerez regarder vers la droite comme vous l’a demandé le président de la République à la télévision.
M. Macron a été condamné à deux reprises pour son inaction climatique. La France macroniste est le seul pays de l’Union européenne, à avoir manqué – et de loin – son objectif de développement des énergies renouvelables en 2020 et 2021. Ne venez pas nous dire ensuite qu’on ne peut pas désobéir à l’UE alors que vous le faites vous-mêmes. Mais avec vous, ce n’est jamais pour engager un « quoi qu’il en coûte écologique » pourtant indispensable.
Il y a urgence ! Urgence pour le climat d’abord : la France se réchauffe 50% plus vite que les précédentes estimations, et 20% plus vite que la moyenne planétaire. Il y a urgence à sortir des énergies carbonées, fossiles : les scientifiques le disent depuis des décennies. Nous le proposons au pays depuis 2012 avec Jean-Luc Mélenchon. Et vous, vous procrastinez ! Votre inaction est coupable ! En ne prenant nullement la vraie mesure des enjeux, votre politique aggrave le chaos climatique et sacrifie les générations futures.
Les experts du GIEC nous alertent que – je cite : « Pour le climat, tout va se jouer dans les 10 ans » ? Dix ans, mais vous préférez censurer le parlement avec un 49.3 climaticide quand l’Assemblée vote 15 milliards d’euros en faveur de la rénovation des logements ou du transport ferroviaire. Dix ans, mais vous préférez les chimères nucléaires pour 2035 ou 2040, c’est-à-dire hors délai pour l’urgence climatique, plutôt que l’action urgente pour la sobriété, les renouvelables, la sortie des énergies carbonées. Dix ans, mais vous continuer à laisser le marché faire la loi au lieu d’une vraie planification écologique !
Mais il y a aussi urgence pour l’avenir du pays à plus courte échéance encore : cet hiver s’illustre par l’indisponibilité d’une grande partie du parc nucléaire. C’est que les incidents, corrosion, fissures, s’enchainent, et les perspectives de remise en service ne cessent de se décaler. Faute d’avoir diversifié sa production énergétique pour s’éloigner du tout nucléaire, la France se retrouve contrainte à un plan pour éviter les coupures d’électricité. Il faut saisir tout le tragique de la situation : vous en êtes réduits à espérer que le réchauffement climatique soit tel qu’il permette de chauffer moins cet hiver !
L’indépendance énergétique du pays n’est plus assurée : le déficit énergétique de la France s’élève à 83 milliards d’euros sur l’année. L’agressive guerre du gaz de Poutine vous rappelle à l’ordre ! Pensez-vous que le gaz de schiste américain ou le gaz qatari tâché de sang changent quoi que ce soit à la situation ? Notre dépendance aux énergies fossiles, gaz et pétrole en tête, est contraire à l’intérêt général humain face au défi climatique et à l’indépendance nationale.
Mais où est votre plan pour sortir du carbone ? Ou sont les plans de conversions des filières industrielles ? Vous n’êtes même pas capables de soutenir clairement un projet de conversion de la centrale au charbon de Cordemais ! Vous n’êtes même pas capable de percevoir les gisements d’énergie dont dispose pourtant le pays. La mer est l’un d’eux.
C’est une fierté pour la circonscription de Saint Nazaire que je représente d’accueillir le 1er parc éolien en mer en service. Mais le Danemark ouvrait le sien en 1991. Que de temps perdu dans le mandat précédent sur ce sujet ! Que d’incertitude encore sur la planification des projets à venir ! De fait, vos objectifs d’éolien en mer s’avèrent 6 fois moins ambitieux que ceux de l’Allemagne pour 2030, avec une surface d’emprise maritime pourtant largement supérieure.
Sur ce sujet comme sur les autres vous gouvernez contre l’intérêt national. En 2014, Emmanuel Macron vendait la branche énergie d’Alstom à l’américain General Electric. En 2016, c’est l’éolien en mer d’Areva qui était cédé à l’espagnol Gamesa. Deux ans plus tard, l’Etat, actionnaire majoritaire de Naval Group fermait son usine d’hydroliennes, puis laissait l’entreprise Photowatt délocaliser l’assemblage de ses panneaux photovoltaïques. Et depuis juin, vous avez autorisé la réouverture d’une centrale au charbon, lancé la construction d’un terminal méthanier flottant sans règles écologiques, nommé un serial-privatiseur à la tête d’EDF que vous vous apprêtez à démanteler.
En réalité, votre politique n’est guidée que par une seule chose : le marché.
Et on se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes. Car les causes des hausses d’électricité ; les raisons qui empêchent d’organiser une production à la hauteur des enjeux ne sont pas mystérieuses. Elles sont directement liées à la marchandisation de l’électricité et à la casse du service public au nom des dogmes libéraux de l’Union européenne ! Dans l’Europe libérale, le prix de marché est décorrélé des coûts réels de production, et même plusieurs fois supérieur à celui-ci. On subventionne le développement de distributeurs d’électricité dont l’unique activité consiste à revendre une énergie qu’ils ne produisent pas, en spéculant sur ses prix. Dans l’Europe allemande, le prix de l’électricité se retrouve indexé sur celui du gaz, un fonctionnement que même le ministre de l’économie qualifie de « délirant ». En vain.
Voilà la cause des superprofits d’aujourd’hui, mais aussi du pillage et du gaspillage de 20 ans de libéralisation !
L’échec du marché à organiser la production et plus encore la bifurcation énergétique est patent. Si ne voulez pas écouter les insoumis, écoutez au moins le président du MEDEF. Je le cite : « Pour l’énergie, nous sommes en guerre et le marché ne fonctionne pas en économie de guerre. Cela devrait obliger la Commission européenne à acter cette réalité et donc à suspendre les mécanismes de marché. Il y a une forme de dogmatisme au sein de certains pays, que je regrette ». Parlait-il de vous ? C’est donc la fin d’une époque dont vous êtes la queue de comète, incapable de sortir des impasses que vous avez vous mêmes créées.
Collègues, un autre monde est possible ! Pour protéger les familles, les communes, les industries, les PME, pour l’intérêt général, nous avons besoin d’une rupture.
L’énergie n’est pas une marchandise, mais un bien commun. Pillage et gaspillage du marché ont assez duré ! Face à la crise, place à la maîtrise publique et à la planification écologique !
Un système français public, est nécessaire – pour lequel la sortie immédiate du marché européen de l’électricité est impérative. Assez de mauvaise foi ! Pour échanger de l’électricité, nous n’avons pas besoin du marché européen, nous avons besoin de lignes à haute tension, et elles continueront d’exister après le marché comme elles existaient avant !
Il y a urgence à rétablir le tarif réglementé pour tous, particuliers, collectivités, entreprises. Il doit être garanti au-delà du 1er juillet 2023 pour le gaz ! Il doit revenir à une tarification basée sur les coûts réels de production. Il doit inclure une première part gratuite pour les usages indispensables à une vie digne.
Enfin, une diversification urgente et massive dans les différentes énergies renouvelables est primordiale pour garantir la pérennité de la production Française. Assez du fiasco du tout-nucléaire, de la mise en route « en mode dégradé » de l’EPR de Flamanville, des brutalités à Bure.
Même les scenarios de RTE qui conservent du nucléaire s’appuient sur une augmentation forte de la part des renouvelables. S’y opposer comme le fait Mme Le Pen, c’est jouer contre la France !
Les différents rapports, le scénario M0 de RTE, l’Ademe, ou Negawatt, nous enseignent qu’un scénario 100% renouvelable est possible, et qu’il s’agit avant tout d’une question de choix et de volonté politique.
La volonté politique c’est manifestement toujours ce qu’il vous manque.
Nous, nous l’avons.