Dix ans après avoir racheté la branche énergie d’Alstom, la situation du groupe General Electric (GE) en France inquiète. Le rachat par EDF de la branche Steam, regroupant les activités nucléaires de GE avec les turbines Arabelle, qui devait être effective au 1er décembre dernier, est au point mort sur fond de menace d’embargo américain. En attendant, GE bloque toute embauche et affaiblit de ce fait encore les compétences françaises. La branche de l’éolien terrestre est soumise à des plans sociaux en France. Et l’éolien maritime semble suivre la même voie, avec 500 suppressions d’emplois annoncés à Montoir-de-Bretagne, seule usine de nacelles en France.
Nous, députés La France Insoumise élus dans des circonscriptions d’implantation d’usines GE, nous inquiétons de ces perspectives. Nous alertons sur les conséquences que peuvent avoir la stratégie de GE sur les ambitions industrielles et énergétiques de la France.
A Montoir, la direction explique qu’il s’agit de problèmes momentanés avec son client. Pourtant les perspectives laissent craindre que les difficultés ne soient pas uniquement conjoncturelles. Elles sont le fruit de l’absence de cap énergétique et de planification écologique concrète du gouvernement, confrontée à la stratégie financière de GE au détriment de la souveraineté industrielle de la France.
Le cas des énergies renouvelables, et de l’éolien en mer en particulier, est emblématique. La filière est aujourd’hui fragilisée, confrontée à la concurrence déloyale internationale chinoise et américaine, à la course aux bas prix, aux tensions sur les chaînes d’approvisionnement, ou encore à la hausse des taux d’intérêts. Cette annonce de la part du groupe GE en est une nouvelle illustration.
Dans le même temps, le groupe américain réalise d’importantes restructurations de sa branche Energie. Le 2 avril, celle-ci sera introduite sous le nom GE Vernova à la bourse de New York.
Entité indépendante, sur un périmètre proche de ce qu’était Alstom avant sa vente à GE, elle sera désormais soumise à une pression supplémentaire de rentabilité actionnariale. Ses choix d’investissement, de localisation en seront impactés. Ces changements laissent craindre de futurs plans de licenciements voire une relocalisation des activités aux Etats-Unis dans le contexte de l’« Inflation Reduction Act ».
Les engagements pris par GE lors du rachat d’Alstom n’ont déjà pas été tenus. Aujourd’hui, dix ans plus tard, ils prennent fin progressivement. La concomitance de tous ces éléments fait peser un danger grave.
La logique financière ne peut répondre aux enjeux auxquels le pays est confronté. Comment atteindre les objectifs énergétiques que se fixe la France, si demain les industries pour produire ne sont plus présentes ? L’absence de protectionnisme auquel se refuse le gouvernement conduit le pays à une impasse. Le gouvernement et l’Etat disposent pourtant de plusieurs leviers. Il faut passer aux actes.
La puissance publique doit protéger ces filières stratégiques au nom de la souveraineté industrielle et énergétique. Mais elle ne doit pas le faire sans d’exigeantes contreparties de contenus et emplois locaux, de mieux disant écologique. Elle peut également le faire en entrant au capital des entreprises concernées, y compris si nécessaire par la nationalisation de GE Vernova.
Tout comme il existe une Base industrielle et technologique de défense (BITD), nous devons assumer la construction d’une Base industrielle et technologique des énergies renouvelables (BITER).
En 2014, avec l’appui d’Emmanuel Macron, la France a bradé la branche énergie d’Alstom pour la faire passer sous contrôle américain. Dix ans après ce fiasco industriel, la France va-t-elle en plus laisser ces savoir-faire quitter son sol ? Laissera-t-elle défaire une filière d’excellence comme elle a abandonné la filière photovoltaïque ? Il y a urgence à agir. L’intérêt national l’exige.
Matthias TAVEL
Député LFI-NUPES de la Loire-Atlantique
Florian CHAUCHE
Député LFI-NUPES du Territoire de Belfort
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